COVID-19 : DECISION AMAZON DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE : Quelles conséquences en tirer ?

Jurisprudence
30/04/2020

COVID-19 : DECISION AMAZON DU TRIBUNAL JUDICIAIRE DE NANTERRE : Quelles conséquences en tirer ?

Le syndicat Solidaires a assigné en référé la société Amazon France Logistique aux fins notamment, que lui soit ordonné, à titre principal, d’arrêter l’activité des entrepôts en ce qu’ils rassemblent plus de 100 salariés en un même lieu clos simultanément et, à titre subsidiaire, d’arrêter la vente et la livraison de produits non essentiels et ce sous astreinte et en tout état de cause, que lui soit ordonné de procéder à une évaluation des risques professionnels liés à l’épidémie de covid-19 et de mettre en œuvre les gestes barrières et moyens de protection adaptés à chacune des activités de l’entreprise et ce sous astreinte.

 

Sur la violation de l’obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés invoquée par le syndicat, le Tribunal a retenu que :

  • Les instances représentatives du personnel n’ont pas été associées à l’évaluation des risques que la direction aurait menée.
  • Le risque de contamination à l’entrée des sites dû à l’utilisation d’un portique de sécurité et celui résultant de l’utilisation des vestiaires n’ont pas été suffisamment évalués.
  • Il n’est pas justifié de l’existence des plans de prévention avec toutes les entreprises extérieures ni que ceux-ci avaient été mis à jour.
  • Si des mesures ont été prises et que l’organisation du travail a été constamment modifiée pour répondre à l’évolution de la situation, la société ne justifie pas que les nouveaux process ont été formalisés. En outre, il n’est pas justifié que ces changements, opérés sans concertation préalable avec les représentants du personnel, auraient été portés de manière appropriée à la connaissance des salariés. Ce risque n’a donc pas été suffisamment évalué.
  • Le risque de contamination tenant aux manipulations successives des objets depuis la réception dans l’établissement à la livraison par les chauffeurs, ne fait pas l’objet d’une évaluation dans les DUERP. Le seul fait d’affirmer que les gestes barrières permettent une protection efficace ne répond pas à l’obligation d’évaluer préalablement les risques avant de définir les mesures de sécurité et de prévention nécessaires.

 

Concernant les risques psycho-sociaux en lien avec le risque pandémique et les réorganisations induites par mesures en place, le Tribunal a constaté qu’ils ne sont pas évalués dans les DUERP.

 

Dans ces conditions, l’ordonnance de référé en a conclu que si la société Amazon France Logistique a effectué une évaluation des risques induits par l’épidémie du virus Covid 19, cette dernière est insuffisante et la qualité de celle-ci ne garantit pas une mise en œuvre permettant une maîtrise appropriée des risques spécifiques à cette situation exceptionnelle. Par conséquent, la société Amazon France Logistique a méconnu son obligation de sécurité et de prévention de la santé des salariés, ce qui constitue un trouble manifestement illicite. Le non-respect de cette obligation rend également nécessaire de prévenir un dommage imminent constitué par la contamination d’un plus grand nombre de salariés et par suite la propagation du virus à de nouvelles personnes. Afin de faire cesser ce trouble manifestement illicite et pour prévenir ce dommage imminent, le juge a ordonné à la société de restreindre les activités de ses entrepôts à la réception des marchandises, la préparation et l’expédition des commandes de produits alimentaires, de produits d’hygiène et de produits médicaux tant que la société n’aura pas mis en œuvre, en y associant les représentants du personnel, une évaluation des risques professionnels inhérents à l’épidémie de covid-19 sur l’ensemble de ses centres de distribution ainsi que les mesures prévues à l’article L 4121-1 du code du travail en découlant, sous astreinte de 1.000.000 d’euros par et par infraction constatée.

 

Le Tribunal indique que « dans l’actuelle période d’état d’urgence sanitaire et eu égard au caractère hautement contagieux du virus, alors que l’épidémie continue de se propager, que les services de santé demeurent surchargés et que chaque personne est un vecteur potentiel de transmission du virus, il appartient à la société, de prendre, en vue de sauvegarder la santé de ses salariés, des mesures complémentaires de nature à prévenir ou à limiter les conséquences de cette exposition aux risques ».

La société a annoncé la fermeture de ses entrepôts pour une durée de cinq jours.

 

  • L’importance d’évaluer et d’actualiser régulièrement les risques liés à l’épidémie dans le document unique d’évaluation des risques professionnels et d’adopter les mesures en conséquence, en y associant les représentants du personnel est donc primordiale.

 

(Tribunal judiciaire de Nanterre, Référé, 14 avril 2020 n°20/00503).