DENONCIATION DE CRIME OU DELIT : LE LANCEUR D’ALERTE N’A PAS A SUIVRE LA PROCEDURE D’ALERTE GRADUEE

Jurisprudence
20/02/2023

DENONCIATION DE CRIME OU DELIT : LE LANCEUR D’ALERTE N’A PAS A SUIVRE LA PROCEDURE D’ALERTE GRADUEE

Une salariée surveillante de nuit au sein d’une maison d’enfants à caractère social avait signalé à l’inspection du travail de possibles agressions sexuelles commises par certains enfants accueillis sur d’autres. Une enquête a été ouverte par le Procureur de la République sur ces faits puis une autre visant la salariée pour dénonciation mensongère, toutes deux classées sans suite. La salariée a été licenciée et, estimant que ce licenciement était en lien avec la dénonciation des manquements constatées au sein de l’établissement, elle a contesté son licenciement. La cour d’appel a déclaré nul son licenciement et ordonné sa réintégration immédiate. L’employeur forme un pourvoi au motif que le salarié qui entend dénoncer des actes illicites doit respecter la procédure d’alerte graduée et ce, quelle que soit la nature des actes concernés. Or la salariée avait communiqué à l’inspectrice du travail un courrier d’alerte évoquant des incidents de nature sexuelle et lui avait laissé croire qu’il était resté sans réponse alors qu’elle était informée que l’alerte était traitée par la direction qui avait pris des mesures pour renforcer la surveillance des enfants et prévenir toute dérive. L’employeur faisait valoir que la cour d’appel violait l’article L 1132-3-3 du code du travail, en refusant de rechercher si la salariée avait respecté la procédure d’alerte graduée au motif qu’elle n’est pas applicable en cas de dénonciation de faits constitutifs d’un crime ou d’un délit.
La Cour de cassation n’est pas de cet avis : Il résulte de l’article L. 1132-3-3 du code du travail, dans sa rédaction issue de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016, que le salarié qui relate ou témoigne de faits constitutifs d’un délit ou d’un crime dont il aurait eu connaissance dans l’exercice de ses fonctions, ainsi que le prévoit l’alinéa premier de ce texte, n’est pas tenu de signaler l’alerte dans les conditions prévues par l’article 8 de la loi n° 2016-1691 du 9 décembre 2016 organisant une procédure d’alerte graduée, exigée par le deuxième alinéa du même texte. Ainsi, la cour d’appel a exactement déduit de l’article L 1132-3-3 du code du travail que la protection de la salariée licenciée pour avoir dénoncé des faits susceptibles de constituer des agressions sexuelles n’était conditionnée qu’à sa bonne foi (Cass. soc., 15 février 2023 n°21-20.342).
Etant précisé que la loi visant à améliorer la protection des lanceurs d’alerte du 21 mars 2022 en vigueur au 1er septembre 2022 a supprimé la hiérarchie entre les canaux de signalement interne et externe. Le lanceur d’alerte peut désormais appliquer la procédure externe sans avoir au préalable recouru à la procédure interne de signalement.