CHARGE DE LA PREUVE ET LICENCIEMENT CONCOMITANT A L’ACTION EN JUSTICE

Jurisprudence
09/12/2020

CHARGE DE LA PREUVE ET LICENCIEMENT CONCOMITANT A L’ACTION EN JUSTICE

Deux salariés écrivent, le 5 février 2017, à la direction des ressources humaines pour exprimer des revendications relatives au temps de pause. La direction refuse d’y faire droit le 23 mars 2017 et les invite à respecter la note de service du 12 avril 2017 demandant à l’ensemble du personnel de respecter les lieux de pause. Le 12 mai 2017, les salariés reçoivent un avertissement pour non-respect des lieux de pause dont ils demandent l’annulation en référé le 4 octobre 2017. La décision est rendue le 30 janvier 2018. Le 29 janvier 2018, à la suite d’un contrôle opéré sur une tournée, les salariés sont mis à pied à titre conservatoire puis licenciés pour faute grave le 15 février 2018. Le 4 janvier 2018, les salariés ont saisi en référé la juridiction prud’homale pour ordonner la suspension de la note de service du 12 avril 2017 et que le dépôt de Giberville soit retenu comme lieu de pause.
Les salariés saisissent la formation référé du conseil de prud’hommes aux fins d’être réintégrés, soutenant que leur licenciement intervenait en violation de la liberté fondamentale d’agir en justice et encourait la nullité. Ils font grief aux arrêts de dire n’y avoir lieu à référé et de rejeter leurs demandes.
La Cour de cassation rappelle que le seul fait qu’une action en justice exercée par le salarié soit contemporaine d’une mesure de licenciement ne fait pas présumer que celle-ci procède d’une atteinte à la liberté fondamentale d’agir en justice.
La cour d’appel ayant constaté dans le cadre de son pouvoir souverain d’appréciation des éléments de fait et de preuve qui lui étaient soumis, que les actions en justice engagées portaient sur la question du lieu de pause, soit sur une question sans rapport avec le motif de licenciement, que la lettre de licenciement ne contenait pas de référence à ces actions en justice, que la procédure de licenciement avait été régulièrement suivie et que la lettre de notification du licenciement était motivée en ce qu’elle contenait l’exposé de faits circonstanciés dont il appartient à la seule juridiction du fond de déterminer s’ils présentent un caractère réel et sérieux notamment au regard de la pratique antérieure, des consignes et de la formation reçues et qu’enfin, pour avoir été inopiné, le contrôle terrain n’en était pas moins une pratique dans l’entreprise dont la déloyauté n’était pas en l’état manifeste s’agissant de celui du 29 janvier 2018, ce dont il résultait que le licenciement ne présentait pas de caractère manifestement illicite. Elle en a, sans inverser la charge de la preuve et procédant à la recherche prétendument omise, exactement déduit l’absence d’un trouble manifestement illicite.
Cette jurisprudence précise le régime probatoire selon que le licenciement :
– Repose sur une cause réelle et sérieuse ou sur des faits circonstanciés sans lien avec l’objet de l’action en justice : le salarié doit démontrer que la rupture constitue une mesure de rétorsion à son action en justice.
– Est sans cause réelle et sérieuse : la charge de la preuve est inversée, c’est à l’employeur d’établir que sa décision est justifiée par des éléments étrangers à la volonté de sanctionner l’exercice par le salarié de son droit d’agir en justice.
(Cass. soc., 4 novembre 2020 n°19-12.367 – 19-12.369).