Conventionalité du barème d’indemnisation Macron prévu en cas de licenciement abusif : La Cour de cassation a rendu un avis …mais le débat n’est pas clos : le barème est déjà écarté

En pratique
29/07/2019

Conventionalité du barème d’indemnisation Macron prévu en cas de licenciement abusif : La Cour de cassation a rendu un avis …mais le débat n’est pas clos : le barème est déjà écarté

Depuis l’entrée en vigueur du barème d’indemnisation du licenciement abusif le 24 septembre 2017, nombreux sont les salariés qui ont essayé d’obtenir que ce barème soit écarté, sur le fondement de l’inconventionnalité du barème prévu à l’article L.1235-3 du code du travail avec l’article 10 de la convention n°158 de l’OIT et l’article 24 de la Charte sociale européenne.

Si plusieurs juridictions prud’homales se sont prononcées, tantôt en faveur, tantôt en défaveur de la conventionalité du barème, les conseils de prud’hommes de Louviers et de Toulouse ont saisi pour avis la Cour cassation de la question de la compatibilité du barème d’indemnisation avec les textes supranationaux cités plus haut.

Deux questions se posaient à la Cour : la question de la recevabilité d’une demande d’avis portant sur la compatibilité d’un texte de droit français avec les dispositions de normes européennes et internationales et celle de la conformité du barème aux textes européens.

Par un avis du 17 juillet 2019, la formation plénière de la Cour de cassation s’est prononcée en faveur de la conventionalité du barème d’indemnisation.

La Cour a tout d’abord décidé que la demande d’avis était recevable, retenant que la compatibilité d’une disposition de droit interne avec les dispositions de normes européennes et internationales peut faire l’objet d’une demande d’avis, dès que lors que son examen implique un contrôle abstrait ne nécessitant pas l’analyse d’éléments de fait relevant de l’office du juge du fond.

Concernant le barème, la Cour a affirmé que :

  • Les dispositions de l’article L. 1235-3 du code du travail, qui limitent le droit matériel des salariés quant au montant de l’indemnité pouvant leur être allouée en cas de licenciement sans cause réelle et sérieuse ne constitue pas un obstacle procédural entravant leur accès à la justice, de sorte qu’elles n’entrent pas dans le champ de l’article 6 § 1 de la Convention de sauvegarde des droits de l’homme et des libertés fondamentales.
  • Les dispositions de l’article 24 de la Charte sociale européenne ne sont pas d’effet direct en droit interne dans un litige entre particuliers.
  • L’article L 1235-3 du code du travail, qui fixe le barème d’indemnisation, est compatible avec les stipulations de l’article 10 de la Convention n°158 de l’Organisation internationale du travail, qui est d’application directe en droit interne, au regard des éléments suivants : le juge peut proposer la réintégration du salarié dont le licenciement est dénué de cause réelle et sérieuse et le cas échéant, lorsque la réintégration est refusée, octroyer une indemnité à la charge de l’employeur dans les limites de montants minimaux et maximaux. En outre, le barème est écarté en cas de nullité du licenciement.

Catherine Courcol-Bouchard, premier avocat général à la Cour de cassation, avait plaidé en faveur de la recevabilité de la demande d’avis et de la conformité du barème à l’article de la convention n°158 de l’OIT dont les termes n’imposent pas une réparation intégrale du préjudice. Elle faisait également valoir que l’article 24 de la Charte n’était pas d’application directe.

Depuis cet avis, le Conseil de prud’hommes de Grenoble, dans sa formation de départage, a passé outre la position de la Cour de cassation, en décidant le 22 juillet dernier, d’écarter le barème, au motif que l’avis rendu par la Cour ne constituait pas une décision au fond s’imposant aux juges, mais un simple avis.

Le débat n’est donc pas clos.

Des stratégies judiciaires sont mises en place et commencent dès les prémices d’un éventuel licenciement par l’envoi d’un mail ou courrier actant d’un harcèlement moral / burn out etc. aux seules fins de poser, en amont, les bases d’une contestation d’un licenciement à venir sur le terrain de la nullité pour écarter le barème.

Parallèlement, il est certain que, même dans les hypothèses hors nullité, la contestation de l’application du barème, va perdurer, jusqu’à ce que la Cour de cassation, saisie d’un pourvoi, rende un arrêt sur le sujet.

La problématique en jeu pour les détracteurs du Barème, c’est l’infime marge de manœuvre du juge pour intégrer dans son appréciation la situation individuelle du salarié, sociale ou familiale et notamment son âge.

Il est donc essentiel de rester vigilant !