REGLES DE PREUVE

Jurisprudence
16/03/2023

REGLES DE PREUVE

Proportionnalité et légitimité de l’atteinte

Il résulte des articles 6 et 8 de la Convention de sauvegarde de droits de l’homme et des libertés fondamentales que l’illicéité d’un moyen de preuve n’entraîne pas nécessairement son rejet des débats, le juge devant, lorsque cela lui est demandé, apprécier si l’utilisation de cette preuve a porté atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble, en mettant en balance le droit au respect de la vie personnelle du salarié et le droit à la preuve, lequel peut justifier la production d’éléments portant atteinte à la vie personnelle d’un salarié à la condition que cette production soit indispensable à l’exercice de ce droit et que l’atteinte soit strictement proportionnée au but poursuivi. En présence d’une preuve illicite, le juge doit d’abord s’interroger sur la légitimité du contrôle opéré par l’employeur et vérifier s’il existait des raisons concrètes qui justifiaient le recours à la surveillance et l’ampleur de celle-ci. Il doit ensuite rechercher si l’employeur ne pouvait pas atteindre un résultat identique en utilisant d’autres moyens plus respectueux de la vie personnelle du salarié. Enfin le juge doit apprécier le caractère proportionné de l’atteinte ainsi portée à la vie personnelle au regard du but poursuivi. Doit être approuvé l’arrêt qui, ayant exactement retenu que des enregistrements extraits d’un système de vidéosurveillance irrégulièrement mis en place, constituaient un moyen de preuve illicite, en déduit que ces pièces sont irrecevables dès lors que, pour justifier du caractère indispensable de la production des enregistrements, l’employeur faisait valoir que ceux-ci avaient permis de confirmer des soupçons de vol et d’abus de confiance à l’encontre de la salariée, révélés par un audit qui avait mis en évidence de nombreuses irrégularités concernant l’enregistrement et l’encaissement en espèces des prestations effectuées par la salariée, tout en constatant que l’employeur ne produisait pas cet élément dont il faisait également état dans la lettre de licenciement (Cass. soc., 8 mars 2023 n°21-17.802).

 

Illicéité de la preuve

Doit être approuvé la cour d’appel ayant déclaré le licenciement sans cause réelle et sérieuse après avoir constaté que la preuve de la faute grave énoncée dans la lettre de licenciement n’était administrée par l’employeur qu’au moyen d’un procès-verbal de police, dont la communication, de l’aveu même de l’employeur, était intervenue dans le cadre informel des relations qu’il entretenait pour les besoins de son activité avec les autorités de police, en sorte qu’au sens de l’article R. 156, alinéa 1, du Code de procédure pénale, cette délivrance de pièce issue d’une procédure pénale à laquelle l’employeur était tiers, intervenue sans justification d’une autorisation du procureur de la République, était illicite. Il ne résulte ni de l’arrêt ni des pièces de la procédure que la société avait soutenu en substance devant la cour d’appel que le rejet de la preuve illicite pouvait porter atteinte au caractère équitable de la procédure dans son ensemble (Cass. soc., 8 mars 2023 n°20-21.848).