REVIREMENT DE JURISPRUDENCE : POSSIBILITE DE PRENDRE EN COMPTE UN CHANGEMENT DE NORME DANS UN PROCES EN COURS

Jurisprudence
20/04/2021

REVIREMENT DE JURISPRUDENCE : POSSIBILITE DE PRENDRE EN COMPTE UN CHANGEMENT DE NORME DANS UN PROCES EN COURS

S’estimant victime d’une discrimination syndicale, un salarié sollicite un nouveau positionnement professionnel et des rappels de salaires ainsi que des dommages-intérêts en réparation d’un préjudice moral. En cause d’appel, faisant valoir qu’il avait travaillé sur différents sites où il aurait été exposé à l’amiante, le salarié forme une demande en paiement de dommages-intérêts en réparation d’un préjudice d’anxiété.
Le 1er avril 2015, la cour d’appel de Paris a accueilli cette demande et condamné la société à des dommages-intérêts. Par arrêt du 28 septembre 2016, cette décision est cassée, faute pour la cour d’appel d’avoir recherché si les établissements dans lesquels le salarié avait été affecté figuraient sur la liste des établissements éligibles au dispositif de l’ACAATA. La cour d’appel de renvoi, ayant constaté que ces conditions n’étaient pas réunies, a rejeté la demande d’indemnisation par un arrêt du 5 juillet 2018, se conformant à la doctrine de la Cour de cassation depuis l’arrêt du 11 mai 2010 (n°09-42.241).
En parallèle, l’Assemblée plénière de la Cour de cassation opère en 2019 un important revirement de jurisprudence en reconnaissant à tout salarié justifiant d’une exposition à l’amiante, générant un risque élevé de développer une pathologie grave, la possibilité d’agir contre son employeur sur le fondement du droit commun régissant l’obligation de sécurité de l’employeur, quand bien même il n’aurait pas travaillé dans l’un des établissements figurant sur la liste de l’ACAATA (Ass. plén., 5 avril 2019, n°18-17.442).
Le demandeur se trouvant encore dans les conditions de délai pour exercer un pourvoi en cassation contre l’arrêt de la cour d’appel de renvoi du 5 juillet 2018, celui-ci ne lui ayant pas été signifié, il forme un nouveau pourvoi en se prévalant du revirement intervenu en 2019.
L’Assemblée plénière, pour déclarer ce moyen recevable en raison du revirement de jurisprudence intervenu sur la question en jeu, énonce que la prise en considération d’un changement de norme, tel un revirement de jurisprudence, tant qu’une décision irrévocable n’y a pas mis un terme, relève de l’office du juge auquel il incombe alors de réexaminer la situation à l’occasion de l’exercice d’une voie de recours : « Cette prise en considération de la norme nouvelle ou modifiée participe de l’effectivité de l’accès au juge et assure une égalité de traitement entre des justiciables placés dans une situation équivalente en permettant à une partie à un litige qui n’a pas été tranché par une décision irrévocable de bénéficier de ce changement. Enfin, elle contribue tant à la cohérence juridique qu’à l’unité de la jurisprudence » (Cass., Ass. Plen. 2 avril 2021 n°19-18.814).